Un jeu qui fait vraiment peur, est-ce encore possible ? Si vous suivez ce blog depuis quelques temps, vous avez dû remarquer que je suis un grand amateur de jeux d’horreur. Dérivé du jeu d’aventure, riche en exploration et en énigmes, le survival horror ajoute à cette base les deux parties de son nom : de la survie, puisque votre objectif premier est de ne pas succomber aux menaces hostiles tapies dans l’ombre, et de l’horreur, puisque votre cauchemar se déroulera dans l’atmosphère sombre d’un lieu hanté, au sens littéral ou figuré.
Mais alors que des séries comme Silent Hill ou Project Zero, qui figuraient parmi les jeux d’horreur les plus effrayants, sont aujourd’hui en pause, sinon au point mort ; tandis que Resident Evil a maintes fois cantonné l’horreur à quelques séquences isolées, préférant même parfois miser sur l’action hollywoodienne ; les jeux véritablement effrayants ne sont plus légion. Seule la scène indépendante continue d’expérimenter avec des productions à même de dresser nos poils, en puisant dans l’héritage des grands classiques du jeu d’horreur.
Récemment, un jeu a justement tenté de nous rappeler les grandes heures de Silent Hill : issu du studio Blobber Team, The Medium m’avait intrigué, mais m’avait aussi fait l’effet d’un pétard mouillé, ses bonnes idées et son sens certain de la mise en scène n’étant pas suffisants pour maintenir l’effroi dans la durée. Pour sa part sorti deux ans auparavant, et né du studio indépendant SadSquare Studio, Visage est l’aboutissement d’un long cycle de développement et d’un financement participatif. Le pitch de départ ? Proposer une expérience semblable à P.T., la fameuse démo jouable du Silent Hills d’Hideo Kojima, un jeu depuis longtemps annulé mais dont le teaser interactif avait marqué à jamais le paysage de l’horreur. Visage réussit-il là où The Medium a échoué, c’est-à-dire à transcender ses inspirations pour proposer une expérience horrifique véritablement originale — et surtout, un jeu qui fait vraiment peur ?
Maison labyrinthique et apparitions fantomatiques — Un jeu comme P.T. ?
Vous serez sans doute tenté de me dire qu’un clone de P.T. n’est ni ce qu’il y a de plus original, ni ce qui promet de faire le plus peur, et vous auriez raison. La démo jouable des équipes de Kojima avait marqué les esprits parce qu’elle proposait une expérience inédite dans le paysage vidéoludique : un cauchemar à huis clos où la tension était permanente et le malaise palpable. Nombreux sont les développeurs (un peu trop) inspirés par P.T. à avoir voulu proposer une expérience similaire, tant et si bien que le « P.T. clone » est devenu un genre à part entière, avec son lot de copies plus ou moins inspirées, et plus ou moins à la hauteur de l’original. La plupart des jeux de ce genre se contentent en réalité de singer leur modèle, sans jamais réussir à l’égaler, et sentent donc surtout le réchauffé.
Rien de cela ici. Entendons-nous bien : définitivement, Visage est bel et bien un jeu comme P.T. ; l’inspiration est claire, assumée et sans équivoque. En réalité, c’est même le point de départ du projet : les développeurs de SadSquare Studio ont eu l’idée de Visage à l’annonce de l’annulation de Silent Hills, avec l’intention de créer ce qu’aurait pu être ce jeu. Une maison photoréaliste, des portes fermées, une salle de bains glauque, une radio qui crépite des nouvelles macabres sur fond de drame familial, un fantôme qui apparaît de manière aléatoire et vous tue en un coup, des cris dans un babyphone… L’atmosphère graphique et sonore ne cache en aucun cas son héritage, et n’essaie pas de déguiser l’inspiration de son modèle.
J’irai plus loin en disant qu’au delà de P.T., le jeu connaît ses classiques de l’horreur, et notamment la franchise Silent Hill au sens large. Le jeu se lance sur un avertissement quant au contenu à venir, potentiellement dérangeant, qui n’est pas sans rappeler celui qui précédait les premiers Resident Evil ou Silent Hill. Attendez vous aussi à des portes enchaînées et à des meubles soudainement possédés, à l’image des funestes hauntings de Silent Hill 4: The Room — une inspiration là aussi clairement assumée sous la forme d’un easter egg.
Énigmes tordues et salles de progression — Un jeu d’horreur old-school ?
Cette connaissance des classiques se ressent aussi dans la structure du jeu. Au-delà de la démo de Kojima, la maison que l’on explore dans Visage, à travers quatre chapitres qui en affectent les lieux, nous rappelle par de nombreux aspects les bâtisses labyrinthiques de la série Resident Evil. Faites d’énigmes et de passages secrets comme le manoir Spencer, comprenant son lot de photos de famille et de dessins d’enfant comme la maison Baker, la maison renferme aussi une salle de stockage et une salle de progression, qui ne sont pas sans rappeler les fameuses safe rooms de la série de Capcom. La demeure de Visage s’apparente à cette idée popularisée par Resident Evil d’un enfer intime, qui se déroule au sein même de la maison.
Et c’est diablement efficace, car Visage sait maîtriser la délicate frontière entre familiarité et étrangeté — Jonathan Vallières, l’un des créateurs du jeu, emploie pour décrire ce sentiment le terme de « normalité bizarre » : le foyer que l’on explore est juste assez ordinaire pour que l’on y transpose notre propre expérience (et pour finir par avoir peur de notre propre maison), et juste assez hors du temps pour créer ce sentiment d’étrangeté et de malaise qui caractérise les lieux hantés d’un jeu d’horreur.
Une large part de cette étrangeté provient des énigmes que l’on nous demande de résoudre, qui ne sont pas sans rappeler celles d’un Silent Hill par leur caractère dérangeant, voire malsain. Attendez-vous à devoir planter des couteaux et à interagir avec des cadavres pendus, entre autres réjouissances que je me garderai de vous divulgâcher. Le malaise vient aussi d’une certaine exigence : le jeu est difficile (les développeurs nous en avertissent à l’avance) et se refuse à nous prendre par la main pour nous indiquer où nous rendre ensuite. Si l’inventaire et les contrôles poussent un peu trop loin le curseur de la rigidité – devenant contre-intutifs et frustrants, au lieu de contribuer positivement à l’aventure – cette conception old-school du game design s’avère fructueuse dans la plupart des cas. Elle se met au service d’une histoire et d’une atmosphère délicatement maîtrisées, qui constituent le véritable cœur du jeu.
Histoires sordides et ambiance morbide — Un jeu d’horreur inspiré et dérangeant ?
Oui, les équipes de SadSquare Studio connaissent leurs classiques sur le bout des doigts, et savent convoquer leur souvenir de façon opportune. Mais contrairement à trop de jeux d’horreur modernes, Visage reprend cette inspiration pour développer sa propre personnalité. Un peu comme The Medium, qui transposait une large part de l’esthétique de Silent Hill pour créer une horreur ancrée dans l’Europe de l’Est, empreinte de sa propre identité (mais pas assez pour marquer les esprits) ; Visage se sert de P.T., de Resident Evil ou de Silent Hill comme d’une base, un genre codifié avec ses règles immuables, pour créer son propre univers et sa propre mythologie.
L’histoire comporte son lot de thèmes et de scènes hautement dérangeantes, à commencer par une introduction coup de poing (qui m’a rappelé celle du film Midsommar, du point de vue de l’intensité de la violence dès les premières minutes). Passée cette intense introduction, le jeu vous place dans la peau d’un personnage du nom de Dwayne, à l’intérieur d’une maison qui semble être la sienne. Vous pouvez l’explorer librement – non sans crainte d’être surpris par une apparition fantomatique à chacun de vos pas – en quête d’un objet susceptible de lancer l’un des quatre chapitres que comprend le jeu. Une fois ces chapitres lancés, la maison tout entière devient le théâtre de l’histoire d’un ancien habitant des lieux — lequel agira généralement comme un antagoniste durant tout ce chapitre, en vous pourchassant sous la forme d’un fantôme.
Cette histoire est toujours racontée avec la juste dose de mystère et de non-dit. Juste assez de révélations macabres pour instaurer le malaise, mais juste assez d’ellipses pour maintenir ce dernier. La leçon de Silent Hill, et globalement, de la plupart des grandes oeuvres d’art, est que dans la plupart des cas, less is more et le minimalisme paie. Suggérer est souvent plus efficace que montrer, et certaines questions sont plus effrayantes que leurs réponses. Les personnages que vous rencontrez dans Visage ont tous leur histoire et leur symbolisme, mais ceux-ci sont évoqués de façon subtile, plutôt que placardés de façon trop ostensible comme le font certains jeux dont l’écriture manque de finesse. Visage n’est pas un jeu qui laisse le joueur dans le flou – vous aurez des éléments de réponse – mais il laisse ce dernier reconstituer les morceaux du puzzle par lui-même, tout en laissant la porte ouverte à l’interprétation, faisant de cette expérience un cauchemar singulier, qui vous hantera pendant de longues heures.
Peur du noir et survie mentale — Un jeu qui fait vraiment peur ?
Si l’on peut bel et bien dire que Visage est un jeu comme P.T., c’est dans le sens où le dernier jeu qui m’ait fait autant peur était précisément P.T. ! Au-delà de son atmosphère bien à lui, Visage réussit aussi là où de nombreux jeux d’horreur ont échoué, c’est-à-dire à installer un vrai sentiment de peur. Je suis plutôt habitué aux jeux d’horreur, et généralement assez peu frileux à l’idée de me jeter à l’eau — il faut dire que Resident Evil Village, pour ne citer qu’un seul exemple récent, ne faisait absolument pas peur. Mais dans Visage, j’ai dû à maintes reprises poser la manette, voire arrêter le jeu pour reprendre mon souffle, tant la tension était insupportable.
Deux mécaniques de gameplay contribuent à ce sentiment de peur constant. La première joue sur une angoisse classique, mais terriblement efficace : la peur du noir. En effet, la jauge de santé de Dwayne est représentée par l’icône d’un cerveau dans le coin inférieur gauche de l’écran. Restez plongé dans le noir trop longtemps, ou approchez-vous de trop près d’une apparition fantomatique, et la santé mentale du héros diminuera. Regagnez la lumière, et vous serez de nouveau à l’abri — tout du moins pendant quelques secondes. Une mécanique qui n’est pas sans rappeler les jeux Amnesia ou Alan Wake par certains aspects, et qui est ici savamment maîtrisée. Il n’est pas rare que, le cauchemar avançant, et la santé mentale diminuant, les fantômes éteignent les lumières derrière vous, voire que le disjoncteur saute, coupant toute l’électricité de la maison et vous obligeant à regagner le sous-sol dans le noir total, au risque d’y laisser votre santé mentale (celle de votre personnage, mais aussi la vôtre !). Cette mécanique est d’autant plus intéressante qu’elle renforce l’immersion du joueur, puisque le protagoniste stresse et angoisse en même temps que vous, qui tenez la manette.
Votre peur du noir risque d’être d’autant plus mise à rude épreuve que de cette pénombre pourront surgir de dangereux fantômes, qui n’ont d’autre but que celui de vous pourchasser et de vous tuer. Vous n’aurez aucune arme pour vous défendre dans la plupart des cas, et n’aurez donc d’autre choix que la fuite. Sur ce point, Visage évite la frustration d’un Outlast, qui nous contraignait à trouver un endroit où se cacher et à y attendre que l’ennemi cesse de nous poursuivre. Ici, vous n’aurez pas à errer durant des heures ; simplement à fuir dans une pièce voisine. La menace est suffisamment efficace pour créer l’effroi, mais assez vite contournée pour ne pas être irritante. Là encore, tout est question de mesure, et Visage excelle dans le dosage du cocktail. Chaque chapitre ajoute également ses propres gimmicks de gameplay, qui contribueront à renouveler l’expérience et à brouiller vos repères, et donc à renforcer toujours plus le sentiment de peur.
Visage : avis et verdict — Le jeu d’horreur le plus effrayant ?
Oui, Visage fait peur ; très peur, même. Il multiplie les manières de vous faire sursauter, mais ne se contente pas de ces jumpscares. Tout est question d’ambiance. C’est précisément cette histoire malsaine, et ce gameplay à la tension constante, qui placent le joueur dans une situation de malaise. Mais dire de Visage qu’il est « un jeu qui fait vraiment peur », ou « le jeu d’horreur le plus effrayant », c’est à la fois lui faire honneur et lui faire offense. Car Visage est bien plus qu’une expérience de terreur : c’est un vrai thriller psychologique et cérébral, qui vous hantera autant (sinon davantage) lorsque vous aurez reposé la manette que pendant votre session de jeu.
Visage n’est pas un festival d’horreur à chaque seconde, un jeu où chaque pas serait synonyme de terreur. Mais Visage est un jeu d’ambiance et d’atmosphère, qui distille son horreur dans votre cerveau de manière insidieuse. Alors qu’au terme du premier chapitre, je pensais avoir compris toutes les mécaniques du jeu, et fait le tour de la peur qu’il pouvait m’infliger, je suis allé me coucher faussement serein. Résultat : je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, hanté par le cauchemar que je venais de vivre. Et pourtant, lorsque je me suis levé le lendemain, je n’ai pas pu retenir mon impatience de commencer le deuxième chapitre… Lequel a bouleversé ce que je pensais savoir, et a su me surprendre et me terrifier encore davantage.
C’est ça, la véritable horreur : non pas celle qui vous faut sursauter toutes les cinq secondes, mais celle qui vous empêche de dormir la nuit, celle qui titille votre peur du noir, celle qui vous habite de longues heures après avoir reposé la manette, et celle qui, malgré tout, irrésistiblement, vous rappelle à elle et vous invite à vous replonger dans le cauchemar, pour épancher votre soif de curiosité macabre. Bien inspirés par Silent Hill, le modèle du genre, mais bien loin de s’être contentés de le copier, les développeurs canadiens de SadSquare Studio ont parfaitement compris comment toucher cet attrait pour le morbide qui se cache en chacun de nous, pour créer une expérience à la fois repoussante et fascinante — de celles qui marquent l’esprit des joueurs pour longtemps.
➡️ Ce test de Visage vous a intrigué ? Pour aller plus loin, je vous recommande également cette interview de Jonathan Vallières, développeur et fondateur de SadSquare Studio, qui vous en apprendra davantage sur la philosophie derrière la conception de Visage. Et pour suivre mes futurs articles, abonnez-vous à mon blog en remplissant le formulaire ci-dessous !
Rédacteur indépendant passionné par le jeu vidéo, je partage sur ce blog mes impressions et mes émotions sur les jeux qui me touchent le plus.
Le titre m’a vraiment donné envie d’en savoir plus !
J’ai adoré les Silent Hill ! J’y ai joué étant plus jeune, j’ai eu peur, mais j’ai adoré !
Celui-ci m’a l’air complexe et « dérangeant ». Je pense que je vais l’essayer 😉
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