Ratchet & Clank sur PS4 : la preuve que les jeux de plate-forme « cartoon » ne sont pas morts

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Il y a presque 15 ans, mes parents ont acheté une PlayStation 2 – et avec la console, il y avait ce CD de démos avec des extraits de jeux PS2 à paraître, parmi lesquels se trouvaient deux niveaux de Ratchet & Clank, un jeu développé par Insomniac Games. J’avais alors reconnu le nom des développeurs de la série Spyro à laquelle j’avais tant joué pendant ma tendre enfance sur PS1, aux côtés de Crash Bandicoot, des studios Naughty Dog. Je me souviens être tombé amoureux de Ratchet & Clank. Je me souviens avoir réclamé à mes parents qu’ils m’achètent le jeu complet. Je me souviens avoir joué à Ratchet & Clank, puis à Ratchet & Clank 2,  3, et ainsi de suite. J’ai littéralement grandi avec Ratchet & Clank, et la série occupe donc une place à part dans mon coeur de joueur. Et puis, il y a environ deux semaines, Ratchet le Lombax et Clank le robot ont fait leur entrée fracassante sur PlayStation 4, dans un remake du premier épisode, acclamé par la critique. Plus qu’un remake, Ratchet & Clank (2016) est « un jeu tiré d’un film, tiré d’un jeu » : il a été développé conjointement avec le film Ratchet & Clank, lui-même adaptation du premier opus, et d’ores et déjà en salles en France. L’idée derrière le jeu était donc tout à la fois de remettre le Ratchet & Clank original au goût du jour pour en faire profiter une nouvelle génération de consoles et de joueurs, tout en réinterprétant les origines du duo à partir du scénario du film. Plutôt ambitieux, comme programme. Et si le jeu excelle en tous points, c’est peut-être parce qu’il est l’adaptation d’un film qu’il ne parvient pas à atteindre la perfection.

Elle est où l’histoire ?

Commençons donc par ce qui ne va pas avec ce nouvel opus de Ratchet & Clank : le fait qu’il dépende beaucoup trop du film produit en parallèle. Les cinématiques du jeu sont exclusivement, ou presque, des extraits du film, à ceci près qu’ils ont été coupés afin de ne pas trop en révéler et/ou de laisser la place aux séquences de jeu. Une technique que l’on retrouvait souvent dans les adaptations vidéoludiques de films – un genre auquel je me souviens avoir beaucoup joué dans mon enfance (je jouais beaucoup au jeu Le Monde de Nemo sur PS2…), mais qui ne se fait plus tellement aujourd’hui. On tend plutôt à produire des jeux se déroulant dans l’univers des films, plutôt que des adaptations directes de l’histoire, avec des extraits du film comblant les trous entre les niveaux. Et tout ça semble assez étrange, aujourd’hui, en particulier dans Ratchet & Clank, une série connue pour ses jolies cinématiques, ses références humoristiques et ses personnages guignolesques. Le premier épisode, dont le film (et ce nouveau jeu) est une adaptation, tournait principalement autour de la naissance d’une amitié. D’un côté, Ratchet, le mécanicien impulsif et égoïste voulant à tout prix explorer l’univers ; de l’autre, Clank, le robot intelligent mais naïf se refusant à dévier de sa mission, au grand dam de Ratchet. Ils se rencontrent au début du jeu, et se retrouvent très vite en désaccord – l’histoire se fondait sur les différences entre les deux personnages, et comment, progressivement, ils apprenaient l’un de l’autre pour non seulement sauver l’univers, mais aussi devenir amis. Les derniers épisodes de la série ont poussé la narration un peu plus loin, avec une plus grande importance accordée à la relation entre les deux personnages : A Crack in Time plaçait Ratchet et Clank face à des choix pouvant compromettre leur amitié de façon irrémédiable.

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L’histoire est presque toujours racontée à travers des extraits du film même.

Malheureusement, tout ceci a dû être sacrifié dans le remake, à cause de la nature hybride du scénario, qui tente de mélanger l’histoire originale du jeu avec le scénario du film. Et si je n’ai pas vu le film, les extraits que j’en ai vus dans le jeu ne m’ont clairement pas donné envie d’aller le voir. La manière dont est amenée la relation entre Ratchet et Clank n’est ni aussi réussie ni aussi intéressante que dans le jeu original. Dès le départ, ils s’entendent parfaitement bien, ils sont systématiquement d’accord sur tout, et ils n’échangent d’ailleurs pas tellement l’un avec l’autre. En fait, pour quiconque n’aurait jamais joué à Ratchet & Clank auparavant, la relation entre les deux personnages doit paraitre sacrément fade, et certainement pas comme le sympathique duo que j’ai appris à aimer étant enfant. Même constat pour les antagonistes du jeu. Dans l’opus original, il n’y avait qu’un seul méchant : le Président Suprême Drek, dont la planète d’origine était si polluée qu’il voulait créer un nouveau monde à partir de morceaux de planètes existantes (qu’il détruisait au passage) – se gardant bien de préciser qu’il était responsable de la pollution de sa planète dès le départ, et que son plan n’était qu’une excuse pour s’enrichir. Le remake et le film ajoutent un deuxième méchant : le Dr. Nefarious, qui apparaissait à l’origine dans Ratchet & Clank 3. Nefarious est un personnage très amusant, et aurait pu s’avérer un ajout bienvenu au scénario du film et du jeu – mais dans les faits, sa présence est totalement transparente durant la majeure partie de l’histoire. Drek semble être le seul méchant (à ceci près que ses motivations ne sont jamais expliquées, ce qui peut s’avérer frustrant pour qui n’a pas joué au premier épisode de la série) jusqu’à ce que Nefarious ne nous rappelle son existence, juste à temps pour le combat contre le boss final. Un constat qui vaut pour quasiment tout le jeu : on visite des planètes sans trop savoir pourquoi, on affronte des ennemis sans savoir ce qu’ils ont fait de mal, des personnes dont on n’a rien à faire deviennent des alliés sans aucune explication. En termes de scénario, le jeu dépend totalement du film : il faut voir le film pour combler les vides scénaristiques, et c’est frustrant. Il reste, heureusement, quelques personnages amusants, des dialogues bien écrits et des blagues bien pensées, mais cela reste décevant, quand on connait le potentiel de la franchise du point de vue narratif. Un mot, toutefois, sur le doublage français : si le casting du film a fait parler de lui (surtout en mal), avec en tête d’affiche des Youtubers (Squeezie en tête) au lieu de comédiens, les doubleurs du jeu sont, pour leur part, les doubleurs attitrés de la série, et ils livrent une prestation de qualité, comme cela a toujours été le cas jusqu’alors. Ce n’est pas suffisant pour sauver le scénario, mais c’est un réel plaisir de retrouver, entre autres, la voix de l’emblématique Capitaine Qwark.

Du fun, rien que du fun

Si l’histoire s’est avérée véritablement décevante pour moi, j’ai adoré quasiment tout le reste de ce Ratchet & Clank sur PS4. La série a toujours été un plaisir à jouer, et cet épisode ne fait pas exception à la règle. C’est même tout l’inverse : les finitions du gameplay sont encore plus irréprochables qu’avant, avec quelques révisions bienvenues aux commandes d’origine. C’est toujours la bonne vieille formule Ratchet & Clank : des combats armés totalement insensés avec des armes aussi énormes que délirantes (en gros, on tire sur tout ce qui bouge, parfois sans même viser), des séquences de plateforme pure, et des phases de réflexion. De nouveaux puzzles avec Clank ont d’ailleurs été ajoutés, et la plupart m’ont fait réfléchir un moment avant d’arriver à la solution.

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Explosions massives et gunfights délirants sont monnaie courante dans Ratchet & Clank.

La difficulté du jeu est justement équilibrée (j’ai joué en mode Difficile dès le départ), et les ennemis deviennent de plus en plus robustes à mesure que le jeu progresse, les gunfights devenant ainsi plus difficiles (le combat contre le boss de fin est un véritable défi). Sans oublier d’autres moments géniaux, comme les batailles spatiales, les courses d’hoverboard et les séquences de « glisso-rail » : il y a juste ce qu’il faut de variété pour qu’on ne s’ennuie jamais. Tout est si amusant, si plaisant à jouer. Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire les trois-quarts du temps – et c’est là tout le sel des jeux de plateforme, ce sont des jeux fun avant tout. Des jeux vidéo, au sens littéral. Et comme toujours, Ratchet & Clank est un bon représentant du genre.

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Les phases à bord de vaisseau spatial apportent de la variété au jeu.

Aussi beau que le Capitaine Qwark

Toutes les séries ne peuvent pas s’enorgueillir d’avoir connu trois générations de console. Et pourtant, après une trilogie (et un spin-off) sur PlayStation 2, six épisodes sur PlayStation 3, et même deux titres parus sur PlayStation Portable, Ratchet & Clank débarque sur PlayStation 4, plus beau que jamais. Les développers de chez Insomniac Games savent clairement ce qu’ils font, et nous livrent des graphismes de haute qualité, recréant les mondes du jeu d’origine avec plus de détails que jamais. Le studio s’est attiré les foudres de certains joueurs en annonçant ne pas viser les 60 FPS (images par seconde) pour cet épisode (alors précisément que le jeu d’origine tournait à 60 FPS). Mais honnêtement, même à 30 FPS, le framerate est tellement stable qu’il n’est jamais problématique. D’autant plus que sacrifier un peu de framerate a permis à Insomniac de booster encore davantage les graphismes. Tout est beau, fluide, coloré. Les lumières, les détails, les animations… La fourrure de Ratchet, plus réaliste que jamais, les décors remplis de personnages et d’objets animés, les combats à base d’explosions massives recouvrant l’écran sans produire la moindre chute de framerate… Beaucoup de critiques ont souvent comparé la série à un film d’animation Pixar, et cet épisode PS4 est véritablement dans cette veine. Et ça a quelque chose de rassurant.

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Ratchet est plus beau que jamais (et… oui, c’est une image du jeu, pas du film)

Le photoréalisme est en quelque sorte devenu l’objectif de tous les développeurs : tous les jeux visent les graphismes les plus réalistes possibles, ce qui résulte généralement, et plus souvent qu’on ne le voudrait, en des décors fades et identiques à ceux des autres jeux. Certes, j’adore le photoréalisme et j’aime le fait que les jeux réduisent de plus en plus la frontière visuelle entre virtuel et réel à mesure que la technologie avance, mais tout se passe comme s’il n’y avait plus de place pour des univers créatifs, colorés et cartoonesques dans le jeu vidéo. Et puis, il y a des jeux comme ce nouveau Ratchet & Clank, comme le merveilleux Tearaway (Media Molecule), ou encore le Rayman réinventé de Rayman Origins et Rayman Legends (Ubisoft Montpellier). Des jeux rafraichissants qui nous ramènent vers une autre époque, quand les développeurs n’avaient pas peur de développer des jeux colorés et éloignés du réel. Ratchet & Clank nous prouve que des environnements « cartoon » ne sont pas synonymes de graphismes médiocres. C’est même tout l’inverse puisque ce jeu est l’un des plus beaux auxquels j’ai eu l’occasion de jouer sur PS4. Tout n’est pas que performance et technique : ce qui compte, c’est avant tout la valeur artistique. Insomniac se montre ici créatif, en construisant de véritables mondes, avec leur âme et leur personnalité, à partir de rien. Quoique, pas tout à fait à partir de rien.

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Aleero City (Metropolis dans le jeu original) est sans doute le plus bel environnement de tout le jeu.

Un remake, c’est bien, de l’inédit, c’est mieux !

C’est sans doute l’un des défauts de ce Ratchet & Clank : bien que le gamepaly soit véritablement fun, et bien que les graphismes soient époustouflants, il reste « juste un remake ». En termes de level-design, au moins deux tiers du jeu sont la réplique exacte des niveaux correspondants sur PS2. Les armes de Ratchet sont presques toutes tirées d’anciens épisodes de la série – seules deux nouvelles armes ont été créées pour cet opus. Bon, au moins, le Pixéliseur est l’une des armes les plus amusantes jamais créées dans la série, et c’est une vraie prouesse technique que de pouvoir changer des ennemis animés en statues de pixels d’un coup de gâchette, mais on aurait tout de même aimé davantage de nouvelles armes. Même chose pour les planètes visitées : tandis que certains mondes du premier opus ont été supprimés du remake (et c’est bien dommage car certains d’entre eux étaient vraiment réussis), aucun nouveau monde n’a été ajouté. Il y a bien quelques niveaux réinventés, et de nouvelles phases de jeu, tout à fait dignes de ce à quoi on peut attendre d’un jeu Ratchet & Clank, et prouvant qu’Insomniac Games sait toujours créer des jeux de plate-forme, mais cela ne nous fait que davantage regretter l’absence de plus de contenus inédits.

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Clank a bel et bien droit à des séquences inédites, qui vous feront utiliser votre cerveau.

Puisque tout le jeu est amusant et réussi, on a juste hâte de voir ce qu’Insomniac pourra créer à l’avenir. Ce qui est d’autant plus frustrant, c’est que cette absence de nouveaux niveaux, armes et contenus est, d’après ce qu’il se dit, dûe à un budget de développement serré, qui a contraint les développeurs à se fonder principalement sur des éléments tirés des épisodes précédents. C’est pourquoi le scénario est principalement raconté à partir d’extraits du film (ce qui coûte moins cher que de créer des cinématiques à partir de rien), c’est pourquoi l’animation des personnages est parfois très minimaliste pour un jeu de 2016, c’est pourquoi il n’y a ni nouvelles armes ni nouveaux niveaux. Et ce, principalement parce que Sony a, semble-t-il, perdu foi en ce genre de jeux qui, pourtant, ont fait la gloire de la PlayStation 1 (combien de consoles vendues grâce à Crash Bandicoot et Spyro ?). Depuis longtemps, Ratchet & Clank fait face à des contraintes budgétaires de plus en plus importantes, et c’est dommage. Tout cela résulte de l’idée actuelle que les jeux de plate-forme sont des jeux pour enfants. J’ai d’ailleurs vu plusieurs critiques dire de Ratchet & Clank qu’il s’agissait d’un « excellent jeu pour vos enfants » – coucou, j’ai 20 ans, et j’aime les jeux de plate-forme ! Et je doute que je sois le seul. J’espère sincèrement que cet épisode rencontrera un succès mérité en termes de ventes, ce qui pourrait motiver Sony à accorder un budget plus important à Insomniac à l’avenir, pour qu’ils créent un Ratchet & Clank encore meilleur (ou tout autre jeu du même genre, à vrai dire). Il y a encore des joueurs qui aiment la plate-forme et des développeurs qui savent en créer, et j’adorerais voir plus de jeux de ce genre. (P.S. : Sony, il serait temps de faire revivre Crash Bandicoot. Sérieusement, tout le monde n’attend que ça. Faites-le.)

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4 commentaires sur “Ratchet & Clank sur PS4 : la preuve que les jeux de plate-forme « cartoon » ne sont pas morts”

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