Resident Evil, une série de jeux vidéo connue au Japon sous le nom de Biohazard, a défini au fil des ans les codes du genre survival horror. Mais à quoi la franchise doit-elle son immense succès ? Qu’est-ce qui nous y fait revenir à chaque fois ? Est-ce l’ambiance horrifique, l’accent mis sur la survie, le suspense du scénario ? Sans doute. Toutefois, ce qui nous passionne le plus, et ce depuis le tout premier épisode, ce sont les personnages de Resident Evil. Jill Valentine, Chris Redfield, Leon S. Kennedy, Claire Redfield… Comment et pourquoi ces noms sont-ils devenus emblématiques de la saga ? Retour sur plusieurs décennies de ces héros cultes du jeu vidéo.
Les Personnages comme point d’entrée dans l’univers de Resident Evil : pas l’apocalypse, mais leur apocalypse
Plus que n’importe quelle autre franchise de jeux vidéo, Resident Evil a la particularité de toujours se reposer sur le même casting de personnages, et ce depuis plus de deux décennies. Dans le tout premier Resident Evil, on incarne en effet deux membres des troupes d’élite du S.T.A.R.S., Chris Redfield et Jill Valentine ; dans Resident Evil 2, les héros sont un policier fraîchement diplômé, Leon S. Kennedy, et une jeune étudiante du nom de Claire Redfield. Claire est en réalité la petite sœur de Chris, partie à sa recherche suite à sa disparition dans le premier épisode – et déjà, l’on voit une volonté des développeurs de relier les personnages entre eux. Puis, à compter de cet opus, absolument TOUS les jeux principaux de la franchise – et même certains des épisodes dérivés – utilisent au moins l’un de ces quatre protagonistes comme personnage principal jouable. Ainsi, dans Resident Evil 3, on incarne à nouveau Jill Valentine, tandis que le personnage principal de Resident Evil 4 est Leon S. Kennedy. Resident Evil 5 fait revenir à la fois Chris Redfield (dans l’histoire principale) et Jill (dans un DLC) et Resident Evil 6 met en scène aussi bien Chris que Leon. Même Resident Evil 7, qui a la particularité de prendre ses distances avec les précédents opus de la licence, n’a pas pu s’empêcher de faire un clin d’œil à Chris Redfield dans sa cinématique de fin, ainsi qu’en tant que personnage jouable dans une campagne additionnelle.
En définitive, l’histoire globale de Resident Evil est celle de ces quatre personnages, que l’on suit à travers le monde, et à travers différentes époques, alors qu’ils sont confrontés à différentes situations apocalyptiques. Les préquelles et autres épisodes dérivés sont également l’occasion de nous tenir au courant de la situation de tel ou de tel autre personnage, pendant que les événements d’un autre épisode se déroulent. Comme si la série voulait à tout prix nous donner une vue d’ensemble de chacun de ses personnages. Par exemple, la préquelle Resident Evil Zero fait revenir un personnage iconique du premier jeu, Rebecca Chambers, et met en scène les événements qui l’ont menée à Resident Evil 1. De la même manière, Code: VERONICA raconte l’histoire de Claire Redfield peu de temps après les événements de Resident Evil 3. Revelations fait le pont dans l’histoire de Chris et Jill entre Resident Evil 4 et Resident Evil 5, et Revelations 2 raconte l’histoire de Claire et de Barry Burton, personnage du premier jeu, entre les événéments de Resident Evil 5 et de Resident Evil 6.
La série aime aussi faire revenir à la vie des personnages (apparemment) morts dans d’autres épisodes, comme Ada Wong, qui semble mourir dans Resident Evil 2 mais revient en GRANDE forme dans Resident Evil 4, ou bien l’antagoniste principal de la séire, Albert Wesker, qui semble toujours trouver un moyen de revenir d’entre les morts. On a même l’occasion de voir certains personnages grandir, à l’instar de Sherry Birkin, une jeune fille que Claire doit protéger dans Resident Evil 2, devenue une adulte et un personnage central dans Resident Evil 6.
➡️ À lire également : mon test en vidéo du remake de Resident Evil 3, qui met en scène le personnage on ne peut plus emblématique de Jill Valentine, plus iconique que jamais.
Si les jeux Resident Evil nous racontent différentes histoires, dont le thème central est le bioterrorisme, ce qui relie l’ensemble de ces histoires individuelles, c’est que nous les vivons à travers les yeux de personnages récurrents et familiers. Ce sont eux, l’élément-clé qui sert de lien aux différents épisodes de la série. De fait, l’usage de personnages récurrents comme outil narratif n’a rien d’exceptionnel : c’est même l’élément le plus commun dans toute œuvre de fiction sérielle, qu’il s’agisse de romans-feuilletons ou de séries télévisées, par exemple. L’exemple le plus typique qui me vient en tête, dans l’univers télévisuel, c’est bien sûr Game of Thrones : un ensemble de personnages récurrents, qui évolue dans un univers riche et vaste. De la même manière, l’histoire globale de Resident Evil repose sur différents personnages « points de vue », qui évoluent dans le temps et dans l’espace au fil des épisodes. Et bien que cette technique narrative soit commune dans la fiction, elle est à mon sens un peu plus rare dans l’univers du jeu vidéo, particulièrement dans les jeux à gros budget. Il y a, bien entendu, toujours des personnages récurrents dans les jeux, mais ils sont rarement le cœur du sujet. Il y en général deux cas de figure : soit le personnage principal change à chaque épisode (Final Fantasy, Assassin’s Creed), soit on retrouve le même personnage durant toute la série (Tomb Raider, Uncharted). Resident Evil fait exception en ce que les personnages principaux sont toujours le même ensemble de personnages. Il n’y a pas un héros, mais des héros. Et ce n’est pas qu’une question de « fan-service » : les personnages sont bel et bien un élément central des jeux en eux-mêmes.
L’importance de la Survie : Comment Resident Evil s’assure que l’on veuille protéger ses personnages
Comme évoqué en introduction, Resident Evil est sans doute le jeu qui a défini les codes du genre survival-horror. Un genre dont l’élément de gameplay central, est que le personnage principal doit survivre. Dans un environnement foncièrement hostile où la mort guette à chaque recoin, votre mission, si vous l’acceptez, consiste à garder votre personnage en vie. Et quel meilleur moyen de faire en sorte que le joueur se soucie de la vie de son personnage, que de le faire se soucier du personnage en lui-même ?
Resident Evil s’assure que l’on se préoccupe de ses personnages : un excellent exemple de cette volonté, c’est la séquence d’introduction (absolument navrante et ringarde) du premier épisode. Bien qu’il soit préférable, pour préserver sa santé mentale, d’effacer ce souvenir de sa mémoire, Resident Evil commençait en effet par une scène en prises de vues réelles, terriblement mal jouée et mal réalisée (sérieusement, même pour les années 90, c’était horrible). Mais tout malaise mis à part, cette cinématique introductive avait cela d’intéressant qu’elle se terminait sur une séquence présentant, un par un, chacun des personnages du jeu. Avec, en prime, une (sublime) voix-off scandant haut et fort le nom de chaque personnage, comme pour être sûr que le joueur s’en souvienne. L’idée, c’est que ce ne sont pas de simples avatars sans identité : ils ont un nom, une personnalité, et le jeu s’assure qu’ils marquent l’esprit du joueur.
De plus – en partie à cause des graphismes de l’époque – le design de chaque personnage est facilement identifiable et reconnaissable. L’écriture et le doublage sont également très stéréotypés. J’ignore dans quelle mesure tout cela était intentionnel, mais la vertu en est que le joueur retient et comprend facilement l’identité et les motivations de chacun d’entre eux.
Resident Evil s’assure que l’on retienne le nom et le visage des différents personnages du jeu, pour que l’on puisse facilement s’identifier à eux, et tenir à eux. Ce qui est évidemment crucial, car il n’y a qu’en s’identifiant à ces personnages que le joueur pourra se mettre à leur place, et trouver une part de crédibilité dans cet univers de science-fiction. On ne peut induire de réel sentiment de menace, de danger, de peur, sans créer un sentiment d’affection envers les personnages. L’empathie est un ingrédient essentiel à l’immersion du joueur, tout particulièrement dans un survival-horror. Et cela, les créateurs de Resident Evil l’ont très bien compris.
Leon A / Claire B : Les Personnages de Resident Evil au cœur du Gameplay
Le gameplay lui-même repose principalement sur les personnages, et plus exactement sur l’attention que le joueur porte à ces personnages. Ici, je ne parle pas simplement du fait qu’il faille soigner et protéger ses personnages de la mort. Par exemple, dans le premier Resident Evil, la manière dont l’histoire se déroule, de même que certaines mécaniques de jeu, varient en fonction du fait que l’on incarne Chris Redfield ou Jill Valentine. Le simple choix du personnage au début du jeu, conditionne le jeu en lui-même.
Le deuxième épisode va encore plus loin. Dans Resident Evil 2 (et, dans une moindre mesure, dans le remake du même jeu paru en 2018), la relation entre les deux personnages principaux est essentielle, grâce à une mécanique de jeu appelée character zapping. Plus précisément, les actions du joueur en tant que Leon S. Kennedy ont un impact direct sur l’histoire de Claire Redfield, et vice versa. Récupérez une arme ou battez un boss dans le scénario de Leon ; l’arme et le boss seront alors absents de l’histoire de Claire – et ainsi de suite. Le jeu propose en réalité 4 scénarios différents, en fonction de l’ordre dans lequel on décide de jouer : Leon A et Claire B (si l’on commence l’histoire avec Leon pour la terminer avec Claire), Claire A et Leon B (dans le cas inverse).
Cette mécanique existe également, sous une forme plus évoluée, dans la préquelle de la série, Resident Evil Zero (2002), où l’on incarne deux personnages en même temps : Rebecca Chambers et Billy Coen. Plus de « scénario A » et de « scénario B » : on joue simultanément avec les deux personnages, et leurs destins sont directement liés. En appuyant simplement sur un bouton, on peut passer d’un personnage à l’autre, et il est parfois nécessaire de séparer les deux héros, pour pouvoir les réunir plus tard. Le sentiment de danger est d’autant plus fort, car il faut rester attentif à la jauge de santé de deux personnages à la fois. D’autres jeux ont depuis repris ce genre de mécanique, mais en 2002, le fait de contrôler deux personnages simultanément était une mécanique assez nouvelle. Enfin, dans Resident Evil 4, le personnage principal reste Leon S. Kennedy, puisque l’on n’incarne Ashley Graham que le temps d’une courte séquence. Toutefois, le jeu repose en grande partie sur le fait de devoir protéger Ashley, qui vous suit en permanence et qui est très vulnérable (parfois un peu trop, car l’IA d’Ashley est loin d’être des plus brillantes…).
Un Casting qui dure depuis 1996 : Resident Evil All-Stars
Dans toute œuvre de fiction, les personnages sont un élément essentiel de la narration. Dans Resident Evil, les personnages sont on ne peut plus stéréotypés, et pourtant, ils sont également l’une des plus grandes forces de la série. Ce sont eux qui maintiennent les joueurs en haleine depuis plus de 20 ans. Au fil du temps, le design et l’histoire des personnages sont devenus bien plus subtils, mais ils sont restés cohérents avec ce qui avait été établi dès les deux premiers jeux. La licence dans son ensemble se repose sur ses personnages, tant en matière de narration que de gameplay, pour favoriser le sentiment d’empathie, de peur et de danger. Ces personnages sont, en définitive, l’élément le plus emblématique de la franchise. Alors en avant pour de nouvelles aventures aux côtés de Chris Redfield, Leon S. Kennedy, Jill Valentine, Claire Redfield, et tous les autres !
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