L’Histoire de Stray : bien plus qu’une affaire de chat

histoire du jeu stray

Il y a quelques années, j’ai suivi un cours d’écriture créative auprès d’un romancier confirmé. À l’occasion d’un exercice de rédaction, mon professeur m’avait donné pour consigne de raconter une histoire qui se placerait du point de vue d’un chat. Celui-ci serait témoin d’une catastrophe, et ce serait cet événement, et non le félin, qui constituerait le cœur du récit, puisqu’on ne découvrirait qu’à la dernière phrase du texte que le narrateur était un animal.

L’histoire de Stray, le premier jeu vidéo du développeur français BlueTwelve Studio, se révèle presque l’exact miroir de cet exercice. Nous savons dès le début que le protagoniste est un chat, et au moment où l’aventure commence, la catastrophe a déjà eu lieu. Mais, tout comme dans la nouvelle que j’avais publiée alorsla pierre angulaire de l’histoire n’est pas le chat, mais plutôt ce que le chat regarde. Petit décryptage d’un jeu vidéo qui va bien plus loin que son concept de départ.

L’histoire de Stray : c’est l’histoire d’un chat…

Impossible de passer à côté du « jeu avec le chat ». Bien qu’il soit un humble titre indépendant, Stray retient l’attention des joueurs depuis son annonce, et a reçu l’honneur de figurer parmi les jeux offerts dans la nouvelle formule de l’abonnement PlayStation Plus de Sony. Les développeurs de BlueTwelve Studio ont bien compris l’un des principes les plus efficaces en marketing : si vous voulez qu’on prête attention à quelque chose, placardez-y une photo de chat mignon.

le chat du jeu stray

Or, le chat de Stray est très, très, très, (très) mignon. En nous donnant l’occasion d’incarner cet adorable minet roux durant la petite huitaine d’heures que comporte l’aventure, les créateurs du jeu ont poussé assez loin le curseur de ce qui s’apparente à un « simulateur de vie de chat ». On peut ainsi initier toutes sortes d’interactions originales avec le décor, comme s’endormir en boule sur un coussin ; gratter un tapis, un canapé ou un pan de mur ; ou bien se frotter contre les jambes de nos interlocuteurs pour leur réclamer des caresses.

Les développeurs ont étudié le comportement de véritables chats – les mascottes de leur studio – pour reproduire avec fidélité les mimiques, la gestuelle, les mouvements et les humeurs de l’animal. Le résultat est si probant que même les chats de chair et d’os se prennent au jeu — et je mets au défi quiconque de jouer à Stray sans prononcer au moins une fois le mot « Oh », à lire avec plusieurs « h » et un air attendri.

Mais il faut bien reconnaitre que les montpelliérains à l’origine de Stray ont réussi à nous avoir. En plaçant un adorable petit chat roux au cœur de leur jeu, ils ont su attirer les amateurs de boules de poils en tous genres – moi le premier – pour mieux nous happer dans l’histoire qu’ils avaient véritablement envie de nous raconter, et dont les bandes-annonces et images promotionnelles ne nous avaient pas réellement indiqué la teneur. Car si le chat est évidemment central dans le gameplay de Stray, il est bien plus secondaire dans sa narration.

… Dans un monde de science-fiction

L’ensemble de l’histoire de Stray lorgne du côté de la science-fiction. Par son récit d’une civilisation post-apocalyptique dans laquelle les humains ont été décimés par un mal mystérieux, et les robots sont la seule forme de (pseudo) vie survivante, Stray convoque aussi bien des références vidéoludiques (Horizon pour l’idée d’un récit se situant des années après la chute de l’humanité ; The Last of Us pour les environnements post-apocalyptiques ; Deus Ex pour l’ambiance futuriste et cyberpunk ; Final Fantasy VII pour l’idée d’une ville souterraine…) que cinématographiques (Matrix pour le principe des robots remplaçant les humains, Retour vers le Futur pour les hommages appuyés au personnage de Doc…).

Le chat ne parlant pas, c’est son acolyte, le robot B-12, qui se charge de tout le boulot. C’est bel et bien grâce à lui, ainsi qu’au travers des dialogues avec les autres robots, que nous comprenons, petit à petit, les tenants et les aboutissants de cet univers post-apocalyptique. Comment l’humanité s’est-elle éteinte ? Comment les robots ont-ils pris le contrôle ? Pourquoi imitent-ils les émotions humaines ? Les réponses se cachent bien souvent au sein même de l’univers que notre chat explore : Stray est un cas d’école de narration environnementale — c’est en regardant des affiches, en lisant des documents, en observant des éléments disséminés dans le décor, que nous en comprenons davantage sur les événements ayant conduit à la catastrophe.

Si Stray met en scène un chat, ce n’est pas (seulement) pour nous émouvoir. En fait, toute l’histoire de Stray prend du sens et de l’ampleur précisément parce que nous la vivons à travers les yeux de ce chat. Car l’univers dans lequel se déroule le jeu parait d’autant plus gigantesque quand on le perçoit à hauteur de félin ; parce que l’histoire d’un monde où les robots imitent les émotions humaines prend davantage de sens quand le seul être (vraiment) vivant à l’écran est un animal. Si Stray avait eu un être humain pour protagoniste, son scénario et son univers auraient eu beaucoup moins d’impact. Le héros et son récit fonctionnent donc de concert, et l’un ne pourrait pas exister sans l’autre.

histoire de stray, le "jeu du chat"

En ce sens, le chat de Stray est bel et bien comme le chat de la nouvelle que mon professeur m’avait demandé d’écrire : non pas un regardé, mais un regardant. Le chat n’est qu’un prétexte, une porte d’entrée vers un monde qui se révèle à nous, pas après pas (patte après patte), au gré de nos explorations et de nos pérégrinations. Et de ce fait, pour leur tout premier jeu, les développeurs de Stray ont réussi un coup de maître, en plaçant un gameplay furieusement efficace et original au service d’une histoire simple dans son principe, mais brillante dans son exécution.

➡️ Si vous n’y avez pas encore joué, j’espère que cette petite analyse de Stray vous aura donné envie de le découvrir, car le titre le mérite largement : il figure parmi mes coups de cœur de cette année 2022 ! Et si vous avez déjà terminé l’aventure, je suis curieux de savoir ce que vous en avez pensé : dites-le-moi en commentaire. 😉

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