Pourquoi les jeux vidéo n’ont pas encore fait de moi un terroriste

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« Les jeux vidéo engendrent des psychopathes et des tueurs en série. »
« Les jeux vidéo sont beaucoup trop violents. »
« Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle dans le fait de tuer virtuellement tout un tas de gens. »

Si vous êtes amateur de jeu vidéo, et si vous avez eu un jour le malheur de vous revendiquer comme tel en public, voilà quelques-uns des commentaires que l’on vous a peut-être rétorqués. Ou peut-être les avez-vous lu quelque part dans un journal, ou entendus à la radio, ou vus à la télé.

Ou dans la bouche de Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du parti socialiste, qui a récemment suscité une mini-polémique en assimilant le jeu vidéo et le fait de « descendre en peu de temps un maximum de personnages ». Les jeux vidéo ont toujours eu bon dos pour ce qui est de justifier toute la violence de notre société. À croire que le monde vivait dans la paix éternelle et le bonheur infini avant l’invention du jeu vidéo.

Je m’appelle Nicolas. Tout va bien dans ma vie, je me sens équilibré et épanoui, j’aime ma famille et les petits animaux mignons. Pourquoi vous dis-je tout cela ? D’abord parce qu’il s’agit de mon premier article sur ce blog, et que je souhaite donc me présenter ; ensuite, pour vous montrer que je suis loin d’être l’archétype du psychopathe (bon, vous me direz, je peux très bien vous mentir – et surtout, c’est quoi l’archétype du psychopathe ? – mais passons). Je suis un garçon avec plein de qualités (trop pour les énumérer, naturellement), mais il fallait bien qu’un truc cloche. J’aime les jeux vidéo.

Tragédie ! Déception ! Un garçon qui avait l’air si bien, quel dommage qu’il aime les jeux vidéo ! Bon, je vous rassure, personne ne m’a jamais dit ça dans la vraie vie. Je ne vais pas chercher dans cet article à faire passer les amateurs de jeux vidéo pour des victimes : il y a suffisamment de discriminations dans nos vies sans que je vienne en inventer une autre de toutes pièces. Personne, à ma connaissance, ne s’est trouvé ostracisé ou discriminé parce qu’il aimait les jeux vidéo. Pour autant, il est indéniable que les jeux vidéo sont souvent mal vus, qu’on y associe l’idée d’addiction, et que le cliché du geek quarantenaire sociopathe et puceau a la vie dure. Il est vrai aussi qu’on me regarde parfois avec des yeux ronds lorsque je revendique mon amour pour le jeu vidéo. Car une autre idée reçue voudrait que ceux qui jouent aux jeux vidéo soient d’éternels gamins atteints du syndrome de Peter Pan, refusant de grandir ou de vivre dans le monde réel.

En fait, le véritable problème, c’est que la plupart des gens qui pensent ça n’ont jamais joué à un seul jeu vidéo de leur vie. Tous les stéréotypes naissent de l’ignorance. On voit son gosse jouer à Pokémon (tss, un jeu de gamins !) et Call of Duty (quelle horreur ! un jeu de guerre !), et on en conclut que le jeu vidéo, soit ça abrutit, soit ça rend violent. Aussi, l’un des « grands combats » de mon insignifiante existence, c’est de rétablir la vérité, de démonter les clichés, et de prouver aux détracteurs du jeu vidéo que oui, le jeu vidéo c’est bien plus que ça (je vous avoue que j’hésitais entre ça et la paix dans le monde, mais un seul combat à la fois). Pour moi, le jeu peut même prétendre au statut d’art ; mais comme cette affirmation sonne comme un véritable sacrilège aux oreilles des défenseurs de l’Art et de la Culture, j’évite de la crier sur tous les toits.

Jeu vidéo et violence : « Ceux qui jouent aux jeux vidéo sont des djihadistes en puissance »

Parmi ces défenseurs, on trouve un certain professeur de philosophie dont j’ai croisé la route au cours de mes études. Les trois citations mises en exergue au début de cet article sont somme toute assez communes : des idées reçues fréquentes. Mais mon prof de philo pousse le concept un peu plus loin (philo, concept, vous avez saisi ?). Selon lui, les joueurs sont carrément de potentiels djihadistes, et TOUS les jeux tendent à transformer les joueurs en terroristes. Sympa. Alors, sachez que je joue aux jeux vidéo depuis l’âge de 5 ans environ, et qu’à ce jour, le terrorisme et le meurtre de masse ne me tentent pas plus que ça. Et si vous consentez à lire plus avant les propos du djihadiste en puissance que je suis, peut-être comprendrez-vous pourquoi il n’y a aucune raison pour que ça me tente un jour.

L’argument de mon prof est que toute la propagande de l’Etat Islamique vise précisément les jeunes, et en particulier les jeunes qui jouent au jeu vidéo. Je ne le contredirai pas sur ce point. Bien au contraire. L’Etat Islamique mène depuis un certain temps des campagnes de communication clairement orientées vers le public occidental, friand de films à gros budget, d’effets spéciaux et de jeux vidéo. Aussi, il réalise de véritables clips, voire des courts-métrages, mis en scène selon ces mêmes codes, de façon à rendre esthétiques et grandioses leurs actions terroristes. Mais entendons-nous bien : oui, l’Etat Islamique veut ainsi faire passer la réalité pour un jeu vidéo. Pour autant, les développeurs de jeux n’ont jamais eu la prétention de faire passer le jeu vidéo pour la réalité. Au contraire, c’est justement pour rendre leur violence moins réelle, donc moins choquante, que les djihadistes axent leur propagande sur une esthétique inspirée par le jeu vidéo.

Le jeu vidéo ne fait pas la promotion de la violence. La violence dans un jeu vidéo est même rarement gratuite. Des jeux comme Deus Ex incitent le joueur à assommer ses ennemis, plutôt que de les tuer. Si le joueur s’obstine à agir en assassin, le jeu n’en sera que plus difficile et les supérieurs hiérarchiques du héros ne manqueront pas de le lui reprocher. Dans un grand nombre de jeux, tuer des civils peut se traduire par un malus, sous différentes formes (une mauvaise réputation, des quêtes inaccessibles…). D’autres jeux ne sont tout simplement pas violents du tout. Contrairement à l’avis général, les combats sanglants ne sont pas un prérequis du jeu vidéo. Dans les jeux de plateforme, les combats contre les ennemis sont loin d’être d’une violence inouïe. Il s’agit généralement de rebondir sur l’adversaire ou de lui donner un bête coup de poing pour qu’il disparaisse sans autre effet visuel. On a vu plus dérangeant. Parfois, il n’y a même pas d’ennemis. Parfois, le joueur n’a aucune arme. Parfois, la violence est absente. Inutile, donc, de dire des généralités comme « les jeux vidéo sont tous violents » : c’est faux. Ci-dessous, la bande-annonce de Flower, un jeu dans lequel on incarne des pétales de fleurs emportés par le vent. Toute cette violence réveille mes pulsions terroristes !

Et même lorsque la violence et le meurtre donnent l’impression d’être gratuits, comme dans GTA ou le tout récent Bloodborne, ils le sont avec une telle exagération que tout sentiment de réalisme est annihilé au profit d’une recherche esthétique. GTA force volontairement le trait de la violence, tout simplement parce que cela contribue à l’aspect caricatural du jeu, qui critique la société américaine avec humour. Bloodborne opte pour sa part pour des effusions de sang et des combats chorégraphiés, qui peuvent effectivement choquer les plus sensibles mais qui ne prétendent à aucun moment refléter la réalité, pas plus qu’ils ne cherchent à encourager la violence réelle. Si on va par là, les films de Tarentino seraient eux aussi une apologie de la violence ? Après tout, on y voit du sang et des meurtres en permanence ! Eh bien non : qu’on y soit sensible ou non, il y a dans certains films, tout comme dans certains jeux vidéo, une recherche d’art et d’esthétisme dans la violence qui se traduit par son exagération. Mais il y a surtout prise de distance par rapport à la réalité : on ne cherche en aucun cas à rendre la violence légitime. Aussi, il s’agit juste de savoir faire la part des choses, de savoir prendre cette distance entre la réalité et la fiction. Or un enfant de 7 ans ne saura pas faire cette différence tout seul. C’est pourquoi il ne faut pas le laisser jouer à GTA, un jeu qui est déconseillé aux joueurs de moins de 18 ans. Car s’il est vrai que certains jeunes deviennent effectivement violents à cause du jeu vidéo, ce ne sont pas les jeux vidéo en eux-mêmes qu’il faut blâmer, mais l’exposition prématurée, sans dialogue ni éducation, à des jeux inappropriés pour leur âge. Et ce n’est pas parce que les djihadistes se réapproprient les codes du jeu vidéo pour attirer un large public que le public en question est constitué à 100% de futurs djihadistes. Non, tuer des gens dans un jeu n’est pas l’expression d’une pulsion meurtrière enfouie, n’attendant que d’être réveillée. La majorité des joueurs est éduquée et civilisée, et sait que les jeux ne sont que des jeux, des œuvres de fiction.

Aucune corrélation entre violence médiatique et violence réelle n’a pu être avérée à ce jour. J’ai eu l’occasion de lire divers ouvrages sur les médias et leur impact sociologique. Je résumerai dans les lignes suivantes les propos du sociologue Patrick Legros, dans un chapitre intitulé « Violence médiatique et comportements agressifs ». Il explique que la peur sociale liée aux médias n’est pas un phénomène nouveau : les romans-feuilletons du XIXe siècle étaient accusés de véhiculer des idées subversives aux ouvriers, les feuilletons radiophoniques d’entre-deux-guerres de décerveler leurs auditrices, le rock des années 50 d’accroître la délinquance juvénile. Aujourd’hui, les téléphones portables, Internet, les jeux vidéo, sont critiqués à leur tour car ils rendraient la jeunesse plus violente. En réalité, cette peur en dissimule une autre, plus diffuse, qu’est le changement d’une certaine population à un moment donné. Plutôt que le roman-feuilleton, c’est la montée du syndicalisme qui effrayait. Plus que les feuilletons radiophoniques destinés aux femmes, c’est l’émancipation du « sexe faible » qui faisait peur aux hommes. Le rock des années 50 s’accompagne d’une jeunesse plus consommatrice, plus largement scolarisée, qui s’émancipe et s’adonne à la vie festive. Aujourd’hui, aux Etats-Unis notamment, l’augmentation des délits chez les jeunes est attribuée à la télé, à Internet, aux jeux vidéo… Mais ne serait-ce pas plutôt la conséquence de certains problèmes tels que la faiblesse économique de certaines zones urbaines, la diminution de la force publique ou la vente d’armes ? Tandis qu’à l’inverse, le Japon, terre des jeux vidéo de combat et des mangas, est un des pays où le nombre de viols et de meurtres est le plus faible au monde. Pourquoi ? Parce que le Japon a une prédisposition à la collectivité et au vivre-ensemble : il est dans leur culture de ne pas déranger autrui, de ne pas le rabaisser, de le respecter. Alors que la violence fait partie de l’histoire même de la constitution de la nation américaine. Le média (et dans notre cas, le jeu vidéo) n’est donc pas intrinsèquement source de violence : il est à replacer dans le cadre d’une société donnée, avec sa propre culture. Concernant le lien entre violence médiatique et violence réelle, plusieurs hypothèses sont formulées, mais aucune n’a été confirmée ou infirmée. Je m’en réfère pour ma part à la théorie de la catharsis, qui est aussi la plus ancienne et qui nous vient d’Aristote : le théâtre, et particulièrement la tragédie, permettrait aux spectateurs d’évacuer leurs émotions négatives. Voir des scènes violentes nous permettrait de nous libérer de nos frustrations sans recourir à la violence réelle. Une sorte d’auto-censure.

Le jeu vidéo est-il un art ou une marchandise ?

Puisqu’on en est à démonter les clichés liés aux jeu vidéo, revenons en à mon prof de philo, autoproclamé juge de ce qui relève de la culture élitiste et de ce qui est bon pour les tréfonds de la culture populaire (distinction absurde au demeurant). Selon lui, ceux qui développent les jeux vidéo n’ont qu’un seul et unique but : abrutir le consommateur, par tous les moyens possibles. Aux côtés de leurs bons amis les producteurs de blockbusters hollywoodiens, les concepteurs de jeu vidéo iraient même jusqu’à placer des électrodes sur la tête de publics-test, s’assurant que leur encéphalogramme est le plus plat que possible quand ils jouent à un jeu ou qu’ils regardent un film. Et si les neurones fonctionnent trop encore, on rajoute des scènes d’explosion. Le tout, bien sûr, pour mieux nous vendre du Coca-Cola entre deux sessions de jeu ou entre deux bandes annonces de film.

Décor du jeu vidéo artistique Okami.
Très subtile image subliminale d’une bouteille de Coca-Cola dans le jeu vidéo Okami. Les publicitaires n’ont aucun scrupule !

Comme toutes les positions extrêmes, les propos de mon professeur adoré ne sont pas difficiles à contrer. Mais sans tomber dans sa démesure, il faut bien reconnaître que le jeu vidéo est un produit de consommation, qu’il répond à une logique d’achat/vente, et qu’il y a en amont de sa production des éditeurs qui cherchent à gagner de l’argent. Je ne cherche pas à nier cela. Mais il faut bien distinguer celui qui créé le jeu vidéo et celui qui le vend. De la même façon qu’il faut distinguer le réalisateur de films du producteur, l’écrivain de l’éditeur, le musicien de la maison de disques. Nous vivons dans un monde où les œuvres d’art sont devenues des objets de consommation. Cessent-elles pour autant d’être des œuvres d’art ? Je ne le pense pas. Et je ne pense pas non plus que les jeux vidéo sont tous créés dans le seul et unique but d’extorquer de l’argent au consommateur. En fait, je pense qu’aucun, absolument aucun développeur de jeu vidéo n’a cette intention en tête lorsqu’il contribue à la création d’un jeu. Certes, le jeu peut être une commande de l’éditeur (celui qui vend), qui attend que le jeu réponde à tel ou tel critère ; pour autant, l’intention du développeur (celui qui créé) reste de produire une oeuvre de qualité, mélangeant habilement esthétisme et amusement. Et plus un jeu parvient à s’émanciper des contraintes budgétaires de l’éditeur, plus cette volonté devient flagrante. L’univers du jeu indépendant regorge de véritables perles, de jeux géniaux qui témoignent de vrais choix artistiques, qui peuvent susciter une véritable émotion chez le joueur et dont on sent par dessus tout qu’es ont été créés avec passion. Oui, le jeu est une marchandise. Mais je défends ma conviction qu’il renferme plus que cela. Au-delà de sa dimension ludique et de son statut de produit, le jeu vidéo peut-il prétendre au statut d’art ? C’est une question difficile, qui nécessite de s’entendre sur la définition de l’art. Le souci, c’est que je pourrais ouvrir mon précieux Petit Robert, copier-coller la définition de Wikipédia ou encore demander à un artiste de me définir son activité : les trois définitions que j’obtiendrais seraient sans doute assez différentes. Difficile, donc, de trouver une définition claire et arrêtée de l’art. J’entends l’argument de certains, pour qui le jeu vidéo ne peut pas être un art, simplement parce que l’art est le fruit du travail d’une seule personne. D’autres encore diront que l’art ne peut pas se vendre en série, et que le jeu vidéo ne peut donc pas en être un. Je ne contrains personne à adhérer à ma vision, aussi je formulerai plutôt la question ainsi : peut-on trouver une dimension artistique dans le jeu vidéo ? Et là, en revanche, si vous répondez non à cette question, j’aurais plus de mal à vous entendre.

Qui a dit que les jeux vidéo n’avaient rien à nous apprendre ?

Selon moi, une oeuvre d’art est avant tout une expression unique et particulière de l’humanité qui, elle, est universelle. Une oeuvre d’art, un véritable chef-d’oeuvre, ne peut laisser personne de marbre, car sa beauté est transcendante, car son génie touche l’humain qui est en nous. Je pense que ce qui fait la qualité d’une oeuvre, c’est sa richesse de sens. Par exemple, j’ai cette année eu l’occasion d’étudier Othello de Shakespeare. A la première lecture, je n’ai pas spécialement été ému, ni saisi toute la richesse de sens qui en émanait. Et puis je l’ai étudié en classe, avec ma prof (je devrais dédier ce blog à mes profs, ils m’inspirent, décidément). Et là, j’ai été frappé par le génie shakespearien. Par la simple analyse de quelques lignes du texte, la multiplicité d’interprétations possibles était telle que c’en était troublant. Les plus grands textes sont ceux qui résistent à l’analyse, en proposant toujours plus de sens, toujours plus d’interprétations possibles. Tout comme en regardant une oeuvre d’art dans un musée, une myriade de sentiments surgit en nous. C’est là ce que j’entends par l’universalité contenue dans une oeuvre unique. Et certains jeux m’ont déjà fait ressentir cela. Je le reconnais : pas TOUS les jeux. Mais certains, oui. Mais de même qu’il faut distinguer le roman Harlequin des Fleurs du Mal, le blockbuster hollywoodien du chef-d’oeuvre cinématographique, une croûte infâme d’un tableau de maître ; de même il faut distinguer le jeu bâclé en quelques mois pour être le plus rentable possible du jeu génial, fruit de la passion et de la labeur de son/ses auteur(s).

L’un des exemples les plus frappants selon moi est celui de Silent Hill 2. Dans ce jeu d’horreur, le protagoniste, James Sunderland, reçoit une lettre de sa défunte épouse l’invitant à la retrouver dans la ville où ils passèrent des vacances romantiques il y a des années : Silent Hill. Confus et désorienté par la mort de sa femme, James se raccroche au seul espoir que représente cette lettre. Mais la ville de Silent Hill va le plonger dans divers cauchemars et diverses dimensions, qui seront pour lui une véritable traversée de son propre inconscient. Je ne détaillerai pas toutes les subtilités de Silent Hill 2, du moins pas dans cet article. Ce que je tiens à dire en tout cas, c’est que rien n’a été laissé au hasard dans ce jeu. Le moindre monstre rencontré par James, le moindre décor, le moindre personnage, a une véritable signification au regard de son passé et de son inconscient. Les interprétations du périple de James sont nombreuses, sinon infinies. Quant à la beauté de cette histoire d’amour entre un homme et sa défunte épouse, elle n’a rien à envier aux plus grandes tragédies de la littérature ou du cinéma. Silent Hill 2 est l’exemple parfait de ce qu’est vraiment un bon jeu vidéo : une narration solide, un condensé d’émotions (on passe de la peur aux larmes), un univers pensé en amont, une direction artistique de qualité, une bande-son géniale (ci-dessous, Theme of Laura (Reprise), composé par Akira Yamaoka).

Sans nécessairement être un art en soi, le jeu vidéo peut être vu comme une combinaison de plusieurs arts : le graphisme, la musique, l’écriture. La recherche esthétique, la recherche du beau, sont évidentes dans le jeu vidéo. C’était déjà le cas aux débuts du jeu vidéo, ça l’est encore plus aujourd’hui, avec les capacités graphiques impressionnantes mises à disposition des développeurs. Des moteurs tels que le UbiArt Framework permettent d’intégrer directement dans les jeux des dessins « à la main » (en réalité effectués sur des tablettes graphiques). Les graphistes sont de véritables artistes. Et que dire des musiciens qui composent la bande-son des jeux ? Des scénaristes qui façonnent des intrigues parfois complexes et des univers qui, souvent, fourmillent de détails ? Des acteurs qui prêtent leur voix et, de plus en plus souvent, leurs traits, aux personnages des jeux vidéo ? Sans oublier les programmeurs, et tous les métiers dont on ne soupçonne pas l’existence, qui créent véritablement le jeu à partir de rien ? Toutes ces personnes donnent de leur temps et de leur énergie, doivent souvent acquérir la maîtrise d’un outil ou d’une connaissance pour accoucher d’un jeu vidéo. N’est-ce pas une manière d’être artiste que de maîtriser un savoir-faire et de le mettre en application ?

Capture d'écran du jeu vidéo artistique Journey.
Journey : une aventure sans violence (tiens tiens) dans un désert de sable, à la patte graphique enchanteresse.

Le jeu vidéo peut aussi être un point d’entrée vers la connaissance ou vers d’autres arts. En ce qui me concerne, c’est Tomb Raider qui m’a transmis le goût des cultures antiques et de la mythologie. C’est grâce à Tomb Raider que j’ai appris le latin au collège. L’excellent blog Tomb Raider Horizons (en anglais) fait un tout aussi excellent travail d’analyse des œuvres d’arts, monuments et lieux présents dans les jeux de la série d’aventure, connaissances théoriques à l’appui. Des jeux comme Assassin’s Creed ou Soldats Inconnus proposent, au sein même de l’expérience, diverses bases de données recensant des faits historiques. Citons encore Never Alone, un jeu qui relate une véritable légende inuit, tout en étant ponctué de documentaires sur la vie des inuits. Un excellent point d’entrée vers une autre culture. Un moyen de se cultiver tout en jouant. Comme le dit l’auteure du blog susmentionné, les jeux vidéos peuvent être éducatifs.

On peut se mettre des œillères et continuer à penser que le jeu vidéo se résume aux parties de Candy Crush dans la salle d’attente du dentiste. Ou l’on peut se laisser happer par les jeux qui sont faits avec passion et avec humanité. L’art et la culture que j’évoquais plus haut, sont pour moi ce qui contribue le plus à notre humanité. C’est même cela qui nous distingue de ces fameux djihadistes auxquels mon prof de philo veut comparer les amateurs de jeu vidéo. Pendant qu’ils détruisent des musées, nous luttons pour la liberté d’expression. Car l’art et la culture sont un moyen d’accéder à ce qu’il y a de plus humain. Vous l’aurez compris, mon prof de philo et moi, c’est pas le grand amour. Mais il y a néanmoins une chose que j’ai retenue de ses cours : la distinction grecque entre poieisis, l’ordre des choses utiles, ce qui tend vers un but, et praxis, l’ordre des fins en soi, de ce qui ne sert à rien, ce qui ne tend vers aucun but. Une oeuvre d’art ne sert à rien. On ne fait de l’art que pour faire de l’art. Il n’y a pas d’autre but. L’art relève donc de l’ordre de la praxis. Or cette dernière est, d’après Aristote, ce qui nous rend le plus humain. Bon, c’est plus compliqué que ça, mais rappelez-vous, je n’écoute pas mes cours de philo. Alors oui, on peut voir le jeu vidéo comme quelque chose qui sert à se divertir. Moi, je pense que le jeu vidéo ne sert à rien, praxis style. On peut jouer comme on lit un livre, jouer comme on écoute une symphonie, jouer comme on contemple un tableau. Jouer, simplement pour s’émerveiller de l’Art qu’il y a en l’humain. Plutôt que d’enfermer le “gamer” dans des stéréotypes, il faut reconnaître qu’il y a tout simplement diverses façons de jouer à un jeu vidéo. Certains ne voient dans le jeu rien d’autre qu’un moyen de se divertir. Je ne dis pas que ces personnes ont tort. Mais au cours de ma longue carrière de “gamer”, j’ai plus souvent rencontré des personnes qui, comme moi, voyaient dans le jeu une dimension artistique.

J’espère avoir su répondre à certains clichés sur les jeux vidéo, tout en défendant ma vision du jeu vidéo comme art, ou du moins comme élément de notre culture et de notre humanité. Je n’oblige personne à partager ma vision, mais j’espère au moins vous avoir fait réfléchir sur le sujet, et je suis ouvert à vos réactions (si du moins vous avez eu le courage de me lire jusqu’au bout !). Quant à moi, je continuerai sur ce blog à parler de jeux vidéo selon un point de vue culturel et artistique. Qu’a-t-on à apprendre des jeux vidéo ? Comment façonnent-ils notre culture ? Sont-ils vraiment une forme d’art ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles je vais m’intéresser au travers de ce blog. Je suis un « artcore gamer », je m’intéresse à la part d’art que renferment les jeux vidéo, et j’essaie de défendre cette vision du jeu vidéo. J’espère que vous me suivrez dans ce « grand combat » de ma vie. Et pour ce qui est de la paix dans le monde, on verra plus tard.

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4 commentaires sur “Pourquoi les jeux vidéo n’ont pas encore fait de moi un terroriste”

  1. Wow, j’ai tout lu et … Les mots ne me viennent pas. Ton article est super, vraiment. Dommage qu’il n’ait pas été fait plus tôt, je l’aurais donner à ma prof d’anglais qui m’a sortie, au cours du dîner de fin d’études après avoir appris ma passion pour les jeux vidéos, cette fameuse phrase : « Mais … Pourquoi cherchez vous tant que ça a fuir la réalité ? Je ne veux pas que mon fils y joue, ca risque de le rendre violent. »

    Ce passage là : « On peut jouer comme on lit un livre, jouer comme on écoute une symphonie, jouer comme on contemple un tableau. » aurait été parfait pour illustrer les propos que je n’ai pas su dire sur le moment. Je prend autant de plaisir à lire un excellent livre, qu’à jouer à un jeu vidéo sans pour autant avoir le sentiment de « Fuir la réalité », qui est là au quotidien. Et comme toi, oui, je vois le jeux vidéos comme un art. Ca divertit, éveille, nourrit l’imagination de chacun aussi bien par les histoires, les musiques et autres …

    Enfin, bravo pour ton article. Je viens de découvrir ton blog et j’ai hâte d’en voir davantage 🙂

  2. Correction, autant pour moi. Il a bien été écrit avant. Donc, dommage que je n’ai pas découvert plus tôt ! :p J’vais de ce pas découvrir le reste du blog o/

    (Voui, j’ai découvert cet article et le blog par le biais d’un tweet, aujourd’hui même o/)

    1. Voui, j’ai ressorti cet article (qui était en fait le tout premier de mon blog) après avoir lu tout un tas d’inepties sur le jeu vidéo ces derniers jours (avec la sortie et le succès massif de Pokémon GO, les trolls se déchaînent…). Donc non, ça ne date pas d’aujourd’hui, mais je suis content que tu te sois reconnue dans mes propos, et que tu aies décidé de suivre le reste de mon blog. Bienvenue ! 😉 Je pense en effet que jouer à un jeu vidéo, ça n’a rien à voir avec le fait de fuir la réalité – ou alors si, peut-être, mais le temps du jeu seulement, comme lorsqu’on s’évade en lisant un livre ou en s’immergeant dans des univers fictifs. Étant moi-même un grand rêveur, j’ai toujours aimé ces oeuvres qui ont la capacité de nous transporter ailleurs et de nous immerger dans des mondes qui continuent à vivre dans notre esprit une fois l’oeuvre terminée. Donc oui, il y a bien évasion, mais elle n’est que temporaire. On repose malgré tout les deux pieds sur terre une fois le livre, le jeu terminé. Mais comment faire comprendre ça à des personnes qui n’ont jamais joué à un jeu vidéo de leur vie ?…

      1. Je me suis toujours posé la question. Je suis même souvent tenter de leur dire : « Venez ! Venez jouer avec nous, regardez bien tout, les graphismes, les détails, les paysages, les personnages, leurs histoires, l’univers des jeux et … comparez le à un livre ! »

        Car oui, une personne qui lit beaucoup de livres est une personne qui, apparemment, cherche à se cultiver ou qui aime les mots ou autres, mais c’est pas mal vu. Tandis qu’une personne qui joue à un jeu, là … C’est une une personne qui cherche à s’abrutir ou à fuir. Et je déteste ces clichés. Car de suite, face à certaines personnes, ont baisse dans leur estime alors que le domaine du jeux vidéos … C’est génial ! Même la communauté l’est aussi ! (Bon, peut-etre pas tous non plus mais .. j’aime !)

        Enfin bon … Il va falloir encore plusieurs années pour que les jeux vidéos soient bien vu ^^’

        (Et merci de l’abonnement concernant mon blog ! :D)

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